Tenaille clous et marteau, fin
***
Voici enfin la linogravure
de la tenaille, des clous
et du marteau,
imprimée en brun clair
sur Canson 180g.
Tenaille clous et marteau, fin
***
Voici enfin la linogravure
de la tenaille, des clous
et du marteau,
imprimée en brun clair
sur Canson 180g.
Il faisait chaud, il faisait beau, c’était un autre jour, une autre année, les cyclistes arrêtés se concertaient avant de repartir, le soleil au zénith, les ombres sur les pavés, et eux à contre-jour : je les voyais bien, tellement bien, que je les photographiais plusieurs fois, avec en tête, déjà, la gravure en noir et blanc.
Il m’en a fallu du temps pour me décider : comment faire pour restituer ce que j’avais vu, ressenti, aimé dans cette image … Finalement, j’ai choisi le mélange de deux techniques : la lino positive pour la rue et les ombres, et la lino négative pour les silhouettes sur le fond noir.
J’ai fait les tirages en noir profond sur papier blanc, blanc cassé, papier écru. Cette semaine, je vais jouer avec les couleurs : arriver avec elles à rendre la chaleur sèche de cette journée : de l’orange, du rouge, du noir aussi : à voir !
Florilège des remarques
gentilles, sarcastiques, ironiques,
à propos de l’art et de la linogravure
« Ben vous alors, on peut dire que vous aimez les ponts !»
(pour une exposition consacrée aux ponts de Loire)
« Bé-hé qu’est-ce que c’est-y que c’t-engin là ? »
(arrêté devant une presse typo)
« Faut bien l’avouer quand même, c’est beau …»
(en sortant d’une salle d’expo)
« Le lino, c’est pas ce qu’on met par terre quand même ? »
(riant nerveusement après une explication)
« Mais, artiste c’est pas un métier, hein? »
(lors d’une discussion sur les artistes en général)
« Y a pas assez de couleurs, c’est pas d’ la peinture ! »
(en aparté avec sa voisine)
« Et … combien d’temps qu’y faut pour faire ça ? »
(l’oeil inquisiteur)
« Ben … ça vous occupe alors »
(rassuré)
« Mais alors, faut dessiner ? »
(déçu, pas trop content)
« Vous savez, avec une défonceuse, ou une petite fraiseuse ça irait beaucoup plus vite! »
(sourcils froncés du bricoleur)
« C’est pas ce qu’on faisait à l’école-primaire autrefois ? »
(regard très-très sévère, voire négatif)
« Mais oui, mais oui, je connais tu sais ! »
(à sa compagne intéressée, monsieur je sais tout)
***
Ma préférée, mais il s’agit d’une remarque d’un très jeune enfant lors d’une mini résidence en école, les enfants dessinaient des animaux et des personnages, et moi je les gravais et dessinais la forêt :
« Hé Jean Pierre, comment tu le sais alors ? »
« Comment je sais ? … heu, j’ai appris à graver … »
« Non-non, pas ça … »
« Quoi, alors ? »
« Comment tu le sais qu’il y a des animaux et des arbres dans le lino ? »
J’étais heureux que ça m’arrive ! J’avais lu qu’un jour, un enfant avait interpellé un sculpteur qui travaillait un bloc de pierre en lui demandant comment il savait qu’il y avait un cheval la dedans !
Et voilà, la véritable question pour un enfant n’est pas la technique, elle touche à la création, à la démarche qui nous fait partir de là pour arriver ici !
Dans le lino, il y a plein de choses, il suffit de savoir les chercher !
Dans ma série des ponts, j’ai en tête depuis plusieurs mois l’idée d’une fille dans l’espace qui joue à saute planètes ! Seulement, voilà, de l’idée à la réalisation, il y a un monde, et même un univers, non ?
Alors, ça traîne, gentiment, parfois moins, et peut aussi aller définitivement à la poubelle.
Pour moi, l’oeuvre n’existe que lorsqu’elle se réalise pratiquement, avant, on est dans l’espace de tous les possibles, immense et néant tout à la fois !
Initialement, ma fille dans l’espace était nue, les planètes bleues, et le fond noir. Je la voyais en plongée, un peu comme on voit les insectes sur le sable de la plage !
Et le jour de l’action, elle se retrouve en body, sportive, enjambant les planètes, elle même en dégradé de bleus, sur un fond blanc.
***
C’est pour moi la magie de la création : à ce moment-là précisément, toutes les autres possibilités sont anéanties par l’émergence de la solution !
Pour compliquer un peu les choses, je change de lino : un matériau nouveau, en dalles de 50/50, parfaitement naturel. Alors, « pour voir » je réalise un extrait de ma gravure : je dessine et grave rapidement une fille qui court, et l’imprime : elle me plaît bien, le rendu sur le papier est super, et le lino se grave bien.
Alors, passage à l’acte, et je décide au dernier moment de graver les planètes « à part » de façon à les placer différemment. J’imprime en dégradé de bleu, puis la deuxième série en bleu et or.
***
Comme je l’écrivais récemment, la vie à l’atelier reprend doucement son cours . J’avais quelques dessins d’avance ! Alors puisque c’était prêt pour la gravure, j’ai gravé !
Je prépare une exposition majeure pour cet été, sur le thème des ponts. Un Sujet qui me parle bien : le pont relie, fait passer d’une rive à l’autre, et permet la rencontre, facilement. Les villes installées au bord d’un fleuve, à la confluence avec des rivières, collectionnent des ponts, un peu comme si elles ne supportaient plus les cicatrices de l’eau.
Alors, je me suis fixé des objectifs ! Le plus important, avoir suffisamment de gravures, ensuite, avoir des images qui parlent, loin des cartes postales.
Le pont d’Ancenis est en réfection, depuis plusieurs mois, et je le vois ainsi, tenu par des hommes, rigidité du métal d’un côté, humanité des muscles de l’autre.
La gravure peut très vite devenir fastidieuse avec l’enchevêtrement des poutrelles, la multitude des câbles, les flots du fleuve : je ramène à l’essentiel, suggère, et simplifie, d’un côté, et accentue, caricature, et déforme même de l’autre.
Le résultat après le premier tirage me plaît bien, quelques rectifications, comme l’affinement des câbles, la rectification de certaines lignes, améliorent considérablement l’image.
Mon projet, c’est l’enfant et le cerf volant. Pour le cerf volant, c’est quasiment bon, j’ai cependant rectifié la plaque, en « ajoutant » des traits blancs, c’est à dire que j’ai enlevé de la matière ! après un essai sur le premier tirage papier, pour voir.
Pour l’enfant, je l’ai dessiné, calqué pour l’inverser, recherché une vue du globe terrestre, dessiné grosso modo et décalqué aussi, pour avoir un ensemble cohérent de l’enfant courant sur la terre, dans le bon sens …
Ensuite, j’ai décidé de séparer les couleurs, comme pour le cerf volant : j’ai dessiné mon idée, afin de partir plus sûrement, et j’ai découpé à la scie à chantourner le lino que j’utilise actuellement : du lino déjà collé sur du médium, ce qui me permet d’avoir une bonne épaisseur à graver, ici c’est important.
A ce point de la réalisation, j’ai donc : 1-la chevelure, 2-les bras et les jambes, et 3-le reste du corps en trois parties finement imbriquées. Il reste à graver l’enfant, le globe terrestre, et à évider bien proprement les attaches reliant les bras et les jambes… Un jeu d’enfant !
Et quand tout est réalisé, un essai « à blanc » dans la presse, pour voir si tout se passe bien : les serrages, les démontages, le sens d’impression…
Enfin, le troisième jour, vient le temps de l’impression ! Tout est désassemblé sur la presse, et les pièces encrées séparément, je réalise que j’ai 7 ensembles de pièces, et seulement 4 encres différentes, en effet, l’enfant et le globe reçoivent la même couleur qu’une partie du cerf-volant, ainsi que la chevelure que je garde en jaune.
Je prépare mes mélanges : un rouge vif et un bleu roi pour le cerf-volant, un ton chair pour l’enfant, et un jaune éclatant.
Le premier tirage est bon : malgré les 18 éléments réunis ensemble dans la presse, tout s’imprime assez bien : un oeil critique remarquera quelques manques dans le bleu, mais comme disait mon papa « faut bien faire parler ceux qui autrement n’auraient rien à dire ».
Comment imprimer plusieurs couleurs en un seul passage !
C’est une question récurrente chez les graveurs : une plaque par couleur, donc autant de passages sous la presse que de couleurs !
Chacun y est allé de sa solution, Picasso a mis au point la technique de la plaque perdue : c’est la même plaque qui sert à chaque fois, donc, simplification, une seule plaque, facilité du repérage des couleurs, mais encore un passage par couleur.
Munch quant à lui faisait des puzzles, chaque pièce encrée séparément assemblée avec les autres, et un seul passage sous la presse.
J’ai repris cette dernière idée, et pour ne pas avoir trop de pièces, j’ai réuni ensemble toutes les pièces de la même couleur par des sortes de petits bras, creusés pour ne pas recevoir l’encre.
Mon projet s’y prêtait bien : un enfant courant sur la plage avec son cerf-volant : des couleurs primaires, pas de nuances, c’était jouable.
J’ai quand même beaucoup cogité, dessiné, refait les dessins, simplifié, et suis arrivé à ce presque résultat : il reste à imprimer, « pour voir ».
Quelques jours plus tard, c’est l’impression sur la grande presse de l’atelier.
J’ai fait plusieurs essais « à blanc » pour vérifier que les pièces du puzzle s’imbriquaient bien ensemble :
Puis, je choisis les couleurs primaires pour ce premier essai :
Les pièces sont encrées une par une séparément.
Ensuite, je remonte l’ensemble dans la presse:
et c’est le tirage :
L’exposition noir et blanc
a ouvert grand ses portes ce matin.
Le ciel est clément,
le vent fait flipper notre photographe,
dont les oeuvres batifolent
un peu trop sous le hangar.
L’atelier déborde de créations,
on se dit qu’on a bien travaillé,
que nos oeuvres s’enrichissent
de la présence des autres,
et que le public intéressé,
et amical n’est pas assez nombreux.
Mais chaque artiste s’emplit
du regard des autres, et
le désir de continuer
contre vents et marées s’amplifie
Demain est un autre jour !
Un nouvel atelier s’est déroulé
ce week end à La Bergerie.
Comme à l’accoutumée,
dans une ambiance chaleureuse
et de sérieux.
Les artistes en herbe
– pour cette technique –
se sont impliqué(e)s et ont réalisé
une petite carte d’artiste
pour se mettre dans l’ambiance,
avant de faire chacun une vraie gravure.
Les trois presses de l’atelier
ont fonctionné de concert,
et les résultats furent à la
hauteur de l’implication de chacun.
Ensuite, pour rester dans
cette ambiance concentrée,
je me suis remis moi aussi
à la lino et à la typo,
pour réaliser cette rapide
« typolino »
sur le thème de notre
future exposition, Noir et Blanc.