Un projet de linogravure :
la ville
Avant de commencer à graver,
je dessine mon motif sur papier
(un extrait est visible en haut à droite)
puis je le reproduis – inversé – sur le linoleum.
J’ai ainsi une idée assez précise de ma future image.
J’utilise surtout la gouge en V pour détourer les contours.
Ici j’ai même commencé par découper à la scie l’enveloppe générale de mon dessin,
et j’ai collé la plaque de lino sur un contreplaqué rigide.
Voilà, la plaque est terminée.
Tout ce qui sera imprimé est préservé, épargné,
les « blancs » sont évidés, creusés avec les gouges en U,
plus ou moins évasées, celles qui enlèvent de gros copeaux.
Voilà un résultat :
Depuis un moment je cherche à mêler
typographie et linogravure, la ville s’y prêtait bien !
Par contre, le repérage s’est avéré plus difficile que prévu,
l’absence d’outils spécifiques en typo,m’a amené à « bricoler » beaucoup
***
J’avais gravé un profil de ma nièce new yorkaise
avec de beaux aplats noirs, alors je m’en suis inspiré pour
graver une autre plaque, dépouillée, plus « lignes » que « surfaces »
et ici, je trouve qu’elle se marie bien avec le fond gris de la ville,
adieu donc la typo pour cette fois,
le visage parle bien mieux
que les mots !
***
Un autre projet de gravure :
Nantes « sur Loire »
Le bois brut, quand il est encré
laisse des impressions de caractère, fortes, texturées.
Je voulais graver Nantes depuis longtemps, et là, l’idée m’est venue :
Je vais utiliser pour les tours Bretagne, du château, et Lu
Un contreplaqué bien veiné de fil vertical
Pour le ciel, le même, mais de fil horizontal,
La Loire quant à elle trouvera une frise ondulée.
Pas de linoleum cette fois-ci, mais du bois !
***
Pour la limite entre Loire et ville,
Pas compliqué : ce sera horizontal,
Et pour la limite entre ciel et ville
Ma scie alternative
découpera les deux plaques
En même temps sans sortir de la ligne.
***
Quand tout est découpé, j’obtiens donc
deux ciels, l’un de fil horizontal que je garde
l’autre de fil vertical que je réserve pour une autre composition,
et deux villes, l’une de fil vertical que je garde,
l’autre de fil horizontal,que je réserve aussi.
Quand je réunis les deux plaques, la séparation est quasi invisible :
ma ville sera verticale et le ciel portera de longues traînées horizontales.
Le ciel est facile à graver, j’utilise la gouge en V et je suis le veinage du bois,
en longues gravures, sortant du bois et y rentrant aussitôt :
La ville est bien plus compliquée : la majeure partie des entailles est verticale,
c’est la minorité horizontale, oblique, et circulaire qui s’oppose à la gouge !
Je me suis aidé du maillet pour la bonne maîtrise du geste.
Il m’a fallu toute une matinée : le bois se grave plus difficilement
que le linoleum auquel je me suis bien habitué.
Le résultat est à la hauteur de l’effort :
le bois est bien présent, et les contours bien nets.
***
L’ après-midi est consacré aux impressions.
J’ai collé le bois de la ville sur un support
et le ciel vient s’ajuster sur l’ensemble
quand il est encré ; ainsi chaque bois
reçoit sa couleur séparément.
Ma gravure est en deux couleurs,
parfaitement imbriquées sans bavures.
Mais je veux la présence de la Loire sous toute la ville !
***
Alors je pose une frise d’imprimeur sur le lit de la presse
et je l’encre en bleu clair,
ensuite, c’est au tour du ciel, en attente, sur le bord,
que j’encre en bleu clair aussi.
Puis, j’encre la ville en rose,
la bloque contre la frise,
et viens encastrer le ciel dans la ville.
***
J’ai réglé les trois épaisseurs,
à l’épaisseur typographique : 23,56 mm
le rouleau de presse est assez souple
et tout va bien, même si je travaille à sec.
***
L’intérêt ici, est d’imprimer en une seule passe
deux ou trois couleurs parce que les motifs
s’encastrent parfaitement à la manière d’un puzzle une fois encrés séparéments.
La difficulté est de ne tacher ni les plaques, ni les doigts, ni la feuille,
donc avoir des doigts de fée
et bien nettoyer comme Cendrillon !
***
Un nouveau projet de linogravure :
à partir d’une photo
***
Mes deux amoureux s’embrassent enlacés
devant la vitrine d’une
galerie d’art.
Mon appareil photo est prêt :
je cadre et je déclenche.
C’est évident ce sera une gravure :
l’appareil photo est mon carnet de croquis,
rapide, fidèle, facile :
la photo n’est qu’une étape dans la création.
J’ai agrandi, recadré, passé en noir et blanc,
accentué les contrastes, la luminosité,
enlevé des détails, tout re-dessiné, et dans la vitrine,
comble de l’artiste
j’ai mis mes propres gravures !
Voici le dessin presque au point.
Je le reporte sur la plaque de lino
que j’ai préalablement
peinte à la gouache blanche et
collée sur un bloc de bois aggloméré
Vive le carbone !
Ensuite, je pose mes “noirs” au crayon 3B ou 4B
et pour éviter d’en mettre partout quand je vais graver,
je pulvérise un léger film de fixatif pour pastel .
La taille peut commencer :
Pour le linoléum, j’utilise trois types d’outils :
la petite gouge en V pour “dessiner” les tailles
la petite gouge en U pour enlever la matière
les ciseaux droits pour dégager les bouts des tailles.
Voilà, une plaque prête à imprimer :
j’ai nettoyé le fixatif en essuyant au white spirit
puis gommé le crayon, et enfin
lavé à l’eau claire la gouache blanche.
***
LA TECHNIQUE DE LA PLAQUE PERDUE
ou
TECHNIQUE PICASSO
J’avais décidé de transformer une gravure existante
en utilisant la technique de la plaque perdue :
Quand on veut plusieurs couleurs, traditionnellement,
on utilise plusieurs plaques : une par couleur.
Picasso qui s’est intéressé à la linogravure
a bouleversé la technique en utilisant
la MÊME plaque pour toutes les couleurs !
Le principe consiste à faire une première gravure
contenant TOUTES les couleurs,
à imprimer la plaque avec la couleur la plus claire
en autant d’exemplaires qu’on l’a décidé,
puis à graver ensuite la plaque en ne conservant
que les couleurs à venir,
donc sans la première couleur.
***
Voici en images, le résultat :
initialement la gravure c’était ceci, en noir sur blanc
j’ai encré en gris clair et imprimé l’état initial,
puis j’ai ôté de la plaque
tout ce qui ne devait pas être en noir :
Et voilà, on obtient une gravure en deux couleurs
avec une seule plaque :
l’intérêt est double:
– moins de travail : une seule plaque
– les couleurs se superposent parfaitement
puisque c’est la même plaque
le problème :
– avoir un repérage parfait de la plaque et du papier
– bien visualiser le résultat espéré.
Bientôt une gravure avec plus de couleurs !
***
Imprimer en deux couleurs avec une plaque découpée
Je décide de me lancer dans la virtuosité, moi qui n’aime pas ça,
mais je voulais avoir deux couleurs dans ma gravure « à quoi pensent-ils »
et la plaque est gravée, donc pas beaucoup de choix :
soit je pratique la technique de la plaque perdue,
soit je découpe à la scie à chantourner le contour des visages !
je prend le risque de la découpe alors que la plaque existe,
mais je me sens zen avec un tout petit zeste d’appréhension quand même !
c’est parti, et en cours de route,
je m’aperçois que la plaque est plus longue que le col de cygne de la scie,
plutôt que de reprendre la coupe de l’autre côté,
je préfère couper en quatre,
j’aurai moins de risque lors de l’assemblage final.
Et aujourd’hui la chance, est là :
tout se passe bien,
j’attend avec impatience d’imprimer en plusieurs couleurs !
l’idée est de séparer les plaques,
les encrer séparément, puis les réunir dans la presse, et imprimer !
Je comprends mieux!
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Passionnant !! Un grand plaisir de « rencontrer » un professionnel qui ose offrir généreusement ses expériences, le sens de son travail et cette addiction bien partagée pour l´impression dans tous ses états Merci à vous en espérant une vraie rencontre pour parler de la gravure..
B.Legendre graveur
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Merci aussi à vous pour prendre le temps d’un commentaire ! Pour un artiste, tous les encouragements à continuer ont de la valeur, et sont nécessaires !
Si vous passez dans la région, n’hésitez pas à pousser la porte de l’atelier, et nous parlerons de gravure, encre, papier et impressions !
Je tombe par hasard sur votre site. Merci, vous m’avez donné l’envie d’essayer pour échapper à l’acide de la taille douce sur métal !
il y a longtemps déjà, on m’avait initié à la gravure sur cuivre, et rapidement, les odeurs, du cuivre, et de l’acide, m’avaient rebuté, et malgré l’attrait de la gravure, je m’étais orienté vers la gravure sur bois, plus tard sur lino, et vraiment, je ne regrette pas ! les deux techniques sont totalement différentes, et il ne sert à rien de les comparer. Alors, bienvenue dans le domaine de la lino et à bientôt !
(roger) je viens d’aller sur votre site ,je trouve ce que vous faite merveilleux ,et j’apprécie vos explications.Félicitations ,cela donne envie d’essayer.
Bonsoir ! merci de votre commentaire, essayez ! plus nous serons nombreux, et plus la linogravure s’enrichira de nos découvertes !
merci pour ces techniques … pour le papier , j utilise un papier special gravure, faut l humidifie` avant de faire les impressions … ????? un grand merci ….. salutations loran ……….loran_1@hotmal.com
Bonjour ! Faut-il humidifier le papier ou non ? Cela dépend du papier, en général, s’il est épais et bien collé, on l’humidifie, même avec les encres à l’eau. Mais tout dépend du résultat escompté : le mieux est de faire des essais !
Merci beaucoup pour la générosité avec laquelle vous partagez votre expérience, je passe par hasard sur votre site qui est vraiment intéressant. Travaillant au burin depuis toujours j’ai découvert le bois récemment ce qui me passionne. Je peine à trouver un bon bois (voire un bon lino) à travailler, je cherche de grands formats, accepteriez vous de me confier où vous vous fournissez…? 🙂 Merci beaucoup…
bien cordialement
Hélène
Merci de votre visite et de vos commentaires. Le lino classique se vend chez pratiquement tous les fournisseurs : « le géant des beaux arts », « Joop Stoop », « Boesner » etc.
Le lino « moderne » qui est moins épais, mais collé sur du médium est distribué par des magasins spécialisés en revêtement de sol.
Pour les bois, le merisier me parait actuellement le meilleur, mais pour des petits formats. Le contreplaqué est une bonne alternative, même de qualité moyenne,
car les fibres sont bien visibles au tirage.
cordialement,
Jean Pierre
Bravo pour de si beaux travaux, très minutieux, très inspirants; c’est du ¨coatching¨ virtuel pour ceux et celles qui débutent dans cette forme d’art. Merci de votre générosité! Les artistes doivent partager et faire circuler la beauté.
Yollande
bonjour
merci de partager votre expérience.
vous évoquez le lino pour sol .celui que j’ai vu ne fait que 2,5 mmm d’épaisseur .est ce suffisant pour la linogravure.
merci
Marc
BONJOUR MARC,
OUI, 2,5 MM C’EST LARGEMENT SUFFISANT,
celui que j’utilise en ce moment, collé sur du médium fait à peine plus de 1 mm
tout va dépendre de la dimension des surfaces blanches, qu’il faudra creuser
davantage si elles sont importantes. Bonnes créations !
Merci pour la transmission de votre savoir. C’est très rare, J’aimerais que mon prof de gravure soit comme vous…
Merci Marie France, peut-être qu’il est trop timide ?
Comme dit Marie France, merci pour cette transmission de savoir, cela devient rare.
Guy
Bravo!merci pour les partages ….waohh vous m’a donné envie de tester ! C’est beau !!! Il y a du sentiment dans les ouvrages !Faites-vous des ateliers ? En tous cas bravo! Bonne continuation à vous 😉
Très beau ce que vous faites! Super pour réaliser une gravure avec la méthode Picasso mais alors…à la fin on aura perdu la plaque initiale c’est ça?! On doit être sûr de son coup! Merci pour le partage, une débutante en gravure
bonjour Isabel vous avez tout compris, la plaque est perdue, d’où le nom de la technique, appelée aussi « plaque perdue » « technique picasso » et même « suicide plate » ! Donc, on ne part pas « à la légère », mais on dessine et colorie à l’avance.
Bonjour et déjà merci pour ces partages qui nous apportent toujours des réponses. Cependant, aujourd’hui, c’est un problème technique dont je n’arrive pas à trouver pour l’instant de solution : mon encre à l’eau ne s’étale pas , elle sort du tube un peu épaisse et colle puis graine sous la spatule ou le rouleau. Le résultat de l’encrage est mauvais :s impressions ne sont pas lisses. Que puis-je ajouter pour qu’elle soit encore utilisable ?
Bonjour !
À mon avis, et vue « de loin » votre encre a commencé à sécher dans le tube puisqu’elle graine : perso je ne l’utiliserai plus, c’est dommage de gâcher une gravure avec des particules d’encre sèches.
Bonjour JP, Mes épreuves de lino sont trop claires et l’encrage irrégulier. Pourtant je pense avoir utilisé assez d’encre. Faut-il un ponçage du lino pour une meilleure accroche ? Merci pour vos conseils.
Bonjour Jean Pierre,
De retour de Montreuil Bellay, j’ai visité votre site et je suis très touchée de la façon dont vous communiquez vos savoirs…Bravo.
J’habite près d’Angers donc pas très loin de votre atelier…je passerai bien vous voir…les portes semblent ouvertes.J’avance pas à pas dans mon travail et suis plutôt débutante en gravure sur bois, je recherche des bois avec des aspérités,
Par ailleurs (vous avez les adresses sur la carte que je vous ai laissé au salon, je fais partie d’une association « Impression-Expression » sur Angers. Nous préparons une grande expo. au théatre d’Angers sur le thème de l’Opéra. Vêtements en papiers gravés, ainsi que la création de chaussures, affiches, gravures et accessoires…Un défit extraordinaire pour nous et pour le mois de Mai. Je vous enverrai en temps et en heure plus d’informations déjà annoncées sur le site.
Grand Merci pour ce bon échange au salon Dimanche,
Amicalement,
Geneviève Déléris (ginou)
Bonjour , merci pour toutes ces explications ! C’est très bien détaillé et vraiment généreux de votre part de partager votre savoir .
Je me lance de nouveau dans la Lino gravure après l’avoir abandonné depuis de nombreuses années
J’aurai deux questions si vous avez le temps d’y répondre : reportez vous votre travail papier sur la plaque à main levée ou faites vous une espèce d’impression en retournant votre esquisse sur le lino blanchi à la peinture ? J’ai lu cette méthode quelque part mais je ne retrouve pas l’article .
Vaut il mieux coller la plaque lino sur le bois avant le travail de gravure ou après ?
Merci beaucoup et félicitations pour votre travail !
Bonjour, pour les questions : pour le report, généralement, je dessine sur papier, et quand le dessin me va, après plusieurs rectifications, gommages, je le décalque et décide de le reporter sur le lino avec un carbone, après avoir choisi le sens : soit je veux garder le sens du dessin initial, soit je trouve que l’inverse passe mieux ! pour le collage sur plaque de bois, il intervient quand la plaque de lino est gravée.
Merci merci !
Merci pour ce généreux partage ! J’essaierai bien le lino découpé, encré de différentes couleurs et reconstitué.
Jean-Pierre, Vos explications sont lumineuses. J’ai déjà suivi 2 cours soi-disant technique de linogravure et je n’ai jamais réussi à obtenir l’information que vous partagez généreusement ici, avec beaucoup de simplicité. La seule chose qui me turlupine c’est l’idée de coller la plaque de lino sur du bois. Questions ::
– avec quel genre de colle ? – est-ce qu’on peut retirer la plaque par la suite sans l’endommager ?
Merci de continuer à nous nourrir Suzanne *_____________* *Suzanne LaBrie* *Seul le silence mérite d’être entendu. – *H.D. Thoreau
bonjour Suzanne, pour la colle, j’utilise la colle à bois blanche classique. Je n’ai jamais essayé de décoller le lino, je pense que ça doit être difficile !