Le vieux vélo devant l’atelier
– déjà gravé en vert –
m’appelle à nouveau.
Le pédalier et le protège chaîne
en aluminium terni
luisent faiblement sous
la lumière de l’automne :
linogravure 20/29 sur papier 30/40
Le vieux vélo devant l’atelier
– déjà gravé en vert –
m’appelle à nouveau.
Le pédalier et le protège chaîne
en aluminium terni
luisent faiblement sous
la lumière de l’automne :
linogravure 20/29 sur papier 30/40
À l’entrée de l’atelier
un vieux vélo rouillé
accueille le visiteur !
D’innombrables fois,
il a été photographié,
regardé, observé, mais
jamais encore gravé !
***
C’est enfin fait, je l’ai
imaginé sous un soleil
brûlant, l’atelier et ses
pierres disparaissant
dans l’ombre, lui dans
la lumière du midi.
***
Il y a six ans – déjà ! – je gravais « interdit de dire des gros mots » dans la typo enfantine de ma petite fille Loulou. Typo en surimpression sur la devise de la République. Je voulais jouer sur le double sens de « gros mots ».
Aujourd’hui, je n’ai presque plus d’exemplaires de cette impression, j’en ai vendu, j’en ai donné, je n’en avais pas imprimé beaucoup non plus. Alors, je reprend le comptage des gravures, et m’aperçois que j’ai encore pas mal de marge, donc, retirage !
Cette fois, je change la typo, pour un style plus élégant, avec des empattements filiformes, en plomb. Il faut recaler, et c’est plus précis, l’autre typo était en bois, de corps 72, la nouvelle est en corps bizarre de 54. Pour m’y retrouver, je décalque la typo enfantine et place le calque dans la presse, pour faire l’imposition du texte en transparence.
Je cherche à recouvrir en partie le texte « liberté, égalité, fraternité, solidarité » par les gros mots, tout en restant « un peu » lisible.
J’étais resté dans mon précédent article
sur la première couleur de mon tas de bois.
J’ai donc repris la plaque et enlevé
tout ce qui était ivoire, de façon
à imprimer en brun clair tout
ce qui était écorces et ombres.
L’impression passe très bien, le
repérage est excellent, mais…
mais … mais … mais …
les couleurs sont trop « tendres »
et je ne trouve pas ce que je cherchais !
***
Alors, je vais tenter une troisième couleur :
comme les écorces et les ombres
sont exprimées par le brun clair,
je vais garder les ombres sur la plaque,
et les encrer en brun très foncé.
Je fais un test sur un brouillon,
et ça me semble bon : de plus comme
il s’agit de la technique de la plaque perdue,
rien n’est perdu, elle finira encore
plus dépouillée qu’elle ne l’est !
***
Demain ou après demain, gravure :
je ne garderai que les ombres entre les rondins
pour les imprimer en repérage.
Ma plaque devient de plus en plus abstraite …
Pourvu que je ne verse pas dans le
conceptuel, et autres domaines
pour le moins inquiétants,
puisque je présente
un tas !
Les tas de bois, bien rangés ou en désordre
m’ont souvent fasciné par l’aspect
très graphique des cercles,
des formes étranges de certaines bûches,
et encore plus par les vides
très sombres entre elles.
***
Je voulais donc graver,
mais le « noir-et -blanc » ne
me convenait pas vraiment.
Le bois partout présent ici,
dans l’atelier, la maison, dehors,
a une couleur chaude.
J’ai dessiné rapidement
le début de mon projet :
le bois assez clair
les ombres bien foncées.
***
C’était sûr, il fallait deux couleurs :
ou deux plaques, ou la technique
de la plaque perdue : j’ai choisi celle-ci.
Un peu d’éphémère ne nuit pas à la création.
J’ai observé, repris des photos,
me suis attardé devant les
tas de bois bien empilés,
et j’ai dessiné sur la plaque.
***
J’ai préparé une teinte
ivoire-orangée pour le fond :
Comme les ombres et les écorces
seraient brunes, il fallait avoir du brun
dans l’ivoire : donc beaucoup de blanc,
du brun et une touche de jaune.
J’ai comparé avec une grosse rondelle
de saule fraîchement coupée,
c’était bon !
***
J’ai gravé la plaque de lino :
enlevant juste les blancs.
Puis l’ai encrée en ivoire et
j’ai imprimée 20 exemplaires
sur un papier blanc-écru de 170g.
Ensuite, j’ai repris la plaque,
et dessiné les parties à conserver :
les plus foncées, et gravé ce qui
allait être ivoire sur l’estampe.
C’est assez complexe, je veux
du brun pour les fissures, l’écorce
et les ombres entre les bois :
Alors que je figure un tas de bois,
j’entre dans l’abstraction avec
des lignes et des aplats !
***
Pour imprimer, j’utilise ma grande presse
typo entièrement manuelle, mais avec
un système de pinces pour le papier,
qui permet de remettre la feuille exactement
au même endroit pour l’impression de
la deuxième couleur, et comme la plaque
de lino est replacée au même endroit,
bloquée par les diverses cales, j’obtiens
un repérage parfait entre les couleurs.
***
J’en suis là, les feuilles sèchent, et demain
je finis la deuxième gravure de la plaque.
Il y a peu, je réalisais une gravure sur bois pour un concours. Il ne fallait pas qu’elle soit publiée avant les résultats. Maintenant, c’est bon : j’ai pas été primé, mais je vous la présente !
C’est une gravure réalisée sur contreplaqué de mauvaise qualité : celui que je préfère quand je veux un fond « texturé ». Je voulais deux couleurs, alors j’ai gravé et découpé à la scie à chantourner à très fine lame.
Elle me plaît bien, cette image, elle me rappelle la stupéfaction de ma petite fille outrée de voir les deux gars tranquillement nettoyer leur brouette et leurs truelles dans la Loire ! Mais elle est aussi très graphique : on était légèrement en hauteur, sur la cale d’appontage, et on n’a pas de ciel, juste l’eau qui coule.
J’ai imprimé les gars en noir, l’eau en gris, et le sol en dégradé de noir vers le gris.
Je me demande encore pourquoi j’ai pas été primé !
En réalité, je le sais, mes travailleurs contemporains insouciants, n’ont pas fait le poids devant des oeuvres qui avaient quasiment un siècle d’inspiration classique ! Et même divine pour certaines … Faut pas exagérer quand même, hein ?
Il faisait chaud, il faisait beau, c’était un autre jour, une autre année, les cyclistes arrêtés se concertaient avant de repartir, le soleil au zénith, les ombres sur les pavés, et eux à contre-jour : je les voyais bien, tellement bien, que je les photographiais plusieurs fois, avec en tête, déjà, la gravure en noir et blanc.
Il m’en a fallu du temps pour me décider : comment faire pour restituer ce que j’avais vu, ressenti, aimé dans cette image … Finalement, j’ai choisi le mélange de deux techniques : la lino positive pour la rue et les ombres, et la lino négative pour les silhouettes sur le fond noir.
J’ai fait les tirages en noir profond sur papier blanc, blanc cassé, papier écru. Cette semaine, je vais jouer avec les couleurs : arriver avec elles à rendre la chaleur sèche de cette journée : de l’orange, du rouge, du noir aussi : à voir !
La nuit s’installe pesamment
Sur la Brière
L’automne prend le jour, et
L’assombrit
Les barques pour touristes
Lourdement
S’endorment dans le bleu noir
Du soir.
Je regarde et pense à la gravure :
Plus tard.
Aujourd’hui, les gouges bien
En main,
Je me remémore ces instants
Paisibles,
Mais aussi inquiétants de la nuit
Bretonne.
L’image naît de suite, sur papier
Et sur lino.
Seule l’eau éclate de lumière
Faible.
Les barques, la terre et le ciel,
Noir-bleu.
Alors je grave les seuls contours
Et l’eau.
J’imprime aussitôt, garder l’ambiance :
Essentiel,
Le papier blanc mat et l’encre bleu-noir
S’opposent.
J’imprime aussi sur toile, pour le grain
Qui texture.
J’ai touché la nuit Brièronne, et son noir,
Et son eau.
Voilà, le deuxième stage de l’année s’est achevé, dans le plaisir de la découverte, et de la réalisation. Cette fois, trois générations se sont retrouvées : deux ados un peu imprévus, une mamie artiste ravie, et une femme active très active.
Et ce qui m’émerveille comme souvent, c’est la créativité ensemble, les échanges, l’émulation, quand les âges les compétences et les expériences s’effacent : presque impossible ensuite, de dire qui a fait quoi avec certitude :
Un église, un visage, rouges, un coq, coloré, un lapin enchanté, d’un pays imaginaire …