L’atelier de linogravure est installé dans une ancienne étable toute en pierres. Les vaches sont parties depuis plus de cinquante ans, mais je crois que leur âme est toujours là ! Et voilà qu’après des années, ce sont mes gravures qui s’emparent d’elles.
J’ai expérimenté : les encres, le papier, le format.
À la réflexion, le dégradé de couleurs me plaît bien. J’ai préparé les mélanges sur la table d’encrage : du marron foncé presque noir, du marron clair avec l’ajout de blanc et d’ orange :
J’ai imprimé 20 exemplaires, laissant les couleurs varier au fur et à mesure des encrages, et tout cela sèche tranquillement dans les claies.
J’ai utilisé un papier Canson dessin 180g légèrement grainé, et un papier ivoire clair texturé de 200g les encres sont des Sakura marron, noir, orange et blanc. La plaque est en médium de 5mm collée sur contreplaqué pour l’amener à la hauteur en papier de ma presse typo, une grande Deberny & Peignot de 60/80.
Ma créativité : je venais de finir l’impression du « livre ouvert » et avais imprimé quelques feuilles de brouillon avant de nettoyer la plaque. Habituel. Ensuite, j’imprimais le visage d’une nouvelle gravure : « le visage de Joachim du Bellay » et de la même façon, j’imprimais quelques feuilles de brouillon avant le nettoyage de la plaque, et … J’avais utilisé le même brouillon que celui du livre, et cette double impression m’a sauté aux yeux : Du Bellay sortait du livre ! Alors le lendemain, impressions, réglages et voilà le résultat, totalement inattendu !
Cet hiver, les pies jacassent, et volent on tous sens. Je suis à l’ordi, et par la fenêtre, je les aperçois, et commence vraiment à m’intéresser à elles. Un couple se pose sur une branche haute du grand chêne : elles se regardent et soudainement, regardent ensemble dans la même direction. Deux pies noires et blanches, les branches enchevêtrées et noires sur le ciel : tout cela est très graphique, une gravure s’imposera forcément, un jour. Mes photos dorment dans un coin de mes pensées. La gravure est en gestation, mais ne naît pas encore ! Il me manque inconsciemment un déclencheur, comme une histoire qui commence, mais dont on ne possède pas la fin … Et c’est au printemps, quand les agriculteurs commencent à labourer que doucement les pies et les charrues s’assemblent dans mon esprit. Et voilà, les deux pies vont rencontrer sur ma gravure les deux socs improbables aujourd’hui d’une charrue d’autrefois. Alors ça va très vite, je dessine, gomme, assemble, découpe et mon projet prend forme. La gravure pourrait être un jeu d’enfant, mais je désire beaucoup de branches autour des pies, et beaucoup d’herbes folles autour des socs. Et dans l’espace laissé libre entre l’arbre et les herbes, un petit poème à la façon des haïkus japonais prend sa place, composé avec une vieille police de caractères un peu usagée.
Cette année, le salon a pu avoir lieu ! On a imprimé, démontré, expliqué avec une consoeur enlumineure. Notre stand était un véritable atelier : notre projet consistait à fabriquer des « vraies-fausses affiches » du salon. La lino permettant de réaliser des « fonds », la typo venait ensuite. Tout a bien fonctionné, les tirages de lino avaient presque complètement séché et la typo s’est installée par dessus sans soucis !
‘ai démarré une linogravure assez grande pour moi (presque 30/40 pour la plaque) et assez complexe : j’ai réuni l’atelier de gravure et la maison autour de la cour, dans une vue aérienne étonnante, jugez plutôt.
Vivi passe quelques jours ici, à La Bergerie, et l’atelier est toujours aussi attirant. On a décidé d’imprimer une gravure d’il y a quatre ans déjà, d’après une idée à elle : un squelette sort d’une pendule à minuit ! Alors on s’est dit qu’on pouvait en faire une guirlande : on en a imprimé une trentaine, dans la joie, les odeurs d’encre, et aussi … le sérieux des imprimeurs !