La linogravure à Notre Dame des Landes
Il y a quelque temps, les institutrices des petits de l’école de Notre Dame des Landes m’ont sollicité pour une intervention à l’école. Elles avaient un projet pédagogique intéressant, et me donnaient l’occasion de le mêler avec un projet graphique personnel dans lequel j’avais envie d’insérer des créations d’enfants.
Elles sont venues à l’atelier un mercredi matin, pour voir ce que l’artiste avait en tête et lui présenter ce que de leur côté elles désiraient. On a décidé de travailler sur le thème des animaux en général, des animaux de l’Afrique, et du végétal.
Les enfants ont dessiné à ma demande des projets de tampons que je réaliserai en atelier, de mon côté j’ai préparé mon rhinocéros et lui ai ajouté le nom de l’école. Les enfants allaient ainsi pouvoir imprimer chacun une image de rhinocéros, et ensuite faire la typo de leur prénom avec une casse de caractères professionnels, mais en plastique.
La magie de ma petite presse a encore fonctionné : les tous petits se sont applaudi à chaque impression ! On a eu la chance de vivre un moment paisible, loin de l’agitation du monde des adultes.
À ce jour, on a effectué la première phase de notre projet : les enfants ont dessiné, imprimé, typographié. Il nous reste à réaliser l’oeuvre commune : je vais choisir parmi leurs dessins une douzaine d’animaux, et les graver en petit format à l’atelier, et en ce qui concerne ma création, préparer des linos pour réaliser un paysage en format raisin dans lequel ils imprimeront leurs créations, lors de ma prochaine venue à l’école.
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Pour un artiste, l’immersion dans un public d’enfants très jeunes, naturels, expressifs, est l’occasion d’ouvrir grand ses oreilles, ses yeux et son esprit à leurs expressions.
L’un d’eux :
« Comment tu fais le rhinocéros ? »
« Je le dessine »
« Non, pas ça, le lino, là »
« Eh bien, je dessine dessus, et je grave »
« C’est pas ça, comment tu sais que ce sera un rhinocéros ?»
Et là je suis sans voix, je sens que nos mondes sont bien éloignés, ils sont encore dans une sorte de magie, et à ce moment, je vis une histoire, un conte, une féerie, moi aussi.
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L’une d’elles se poste devant la casse grande ouverte, et immobile regarde sans bouger durant presque une minute, puis prend les caractères qui traînent en tas et les remet à leur place sans se tromper, elle a cinq ans …
Rentré à la maison, je découvre les dessins, certains sont basiques, informes, mais d’autres révèlent une réelle sensibilité, un imaginaire encore vierge de tout apprentissage.
Je me souviens de mon directeur d’école supérieure qui, un jour d’évaluation, me demande faussement surpris :
« Donc Jean Pierre, si je comprend bien, ils sont moins créatifs après quelques années à l’école que lors de leur entrée ici ? »
« Ben oui … »
C’est peut-être ça l’art, voir les choses vraiment autrement, et si oui, alors, les artistes, les enfants, les fous et les génies sont très fréquentables !
super, ce projet éducatif ..je reconnais les fameuses presses Freinet… si efficaces merci pour ce voyage dans la joie et la création ..Gerard de barcelone